Les rendez-vous de Philopop

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Les Rendez-vous de Philopop avec Didier Carsin

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Les Rendez-vous de Philopop avec Didier Carsin

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Les Rendez-vous de Philopop : L'antisémitisme

Nous aborderons la lecture des Réflexions sur la question juive de Sartre. Quand le texte paraît en 1946, Sartre n'a pu mesurer l'ampleur du génocide des Juifs dans les camps de la mort. Mais même si son propos se limite à ce qu'il a pu observer de la situation des Juifs en France avant la guerre et sous l'occupation, il est très utile pour comprendre le phénomène de l'antisémitisme et réfléchir aux moyens de le combattre.

1- La formulation du problème : comment aborder la « question juive » ? (chapitre 2)

Comme en témoigne la politique du gouvernement Pétain, qui promulgua un « statut des Juifs » et institua un « commissariat général aux questions juives », c'est l'antisémitisme qui est à l'origine de la « question ».

a- Suffit-il de proclamer l'universalité des hommes, leur égalité de droits, pour protéger les Juifs de la haine des antisémites ? « Les Juifs ont un ami pourtant : le démocrate. Mais c'est un piètre défenseur » (…) « L'antisémite veut détruire le Juif comme homme pour ne laisser subsister en lui que le Juif, le paria, l'intouchable ; le démocrate veut le détruire comme Juif pour ne conserver en lui que l'homme »

b- Une universalité qui comprend toutes les différences humaines ne peut se concevoir en termes de « nature humaine » mais de « condition humaine ». Comment dès lors aborder la différence des Juifs : en quoi consiste leur « situation commune » et comment l'expliquer ?

2- Les caractéristiques de l'antisémitisme : le portrait de l'antisémite (chapitre 1)

a- Il se présente comme une opinion alors qu'il est en réalité une passion. Ses faux arguments.

b- La passion antisémite est une peur de la liberté ; elle est « une nostalgie de l'imperméabilité »

c- L'antisémitisme est un irrationalisme : il est une haine de l'intelligence qui oppose à l'abstraction l'enracinement du « vrai » Français

d- Il est fondé sur le ressentiment : l'antisémite a besoin de nier le Juif pour se sentir exister

e- C'est un manichéisme : il interprète l'Histoire comme le combat purificateur du Bien contre le Mal incarné selon lui par le Juif

3- Qu'en est-il du Juif que l'antisémite veut détruire ? «  Le Juif existe-t-il ? Et, s'il existe, qu'est-il » ? (chapitres 3 et 4)

a- En quoi consiste l'identité juive ? Si elle ne s'explique pas par la « race » (comme l'explique l'antisémite), vient-elle de la religion, ou d'une histoire commune ?

b- Réponse de Sartre : « Le Juif se définit comme celui que les nations ne veulent pas assimiler(...) Le Juif est un homme que les autres tiennent pour Juif »

. c- Face à une situation imposée historiquement par l'antisémitisme, les Juifs sont condamnés à un dilemme : choisir l'inauthenticité (fuir la situation, jouer à n'être pas Juif, chercher à tout prix « l'assimilation »), ou choisir l'authenticité (assumer sa spécificité juive : ses traditions, sa religion... « s'intégrer à la nation en tant que Juifs », et ce propos concerne « aussi bien les Arabes que les Noirs dès lors qu'ils sont solidaires de l'entreprise nationale  et ont droit de regard sur cette entreprise, comme citoyens»)

Conclusion : H. Arendt jugera sévèrement la thèse de Sartre sur l'identité juive, mais elle le rejoindra dans la critique qu'il fait d'un universalisme qui s'en tient abstraitement à la proclamation des droits de l'homme (c'est celui du « démocrate »). Le véritable universalisme exige de lutter concrètement contre les discriminations que subissent aussi bien les Juifs que tous ceux qui en France en 1946 se trouvent opprimés : les Arabes, les Noirs, les femmes. Sartre plaide ainsi en conclusion pour un « libéralisme concret»

Bibliographie

Réflexions sur la question juive, de Sartre, collection Folio, 1946

L'Etre et le Néant, 3ème partie : « Le pour-autrui », de Sartre, collection Tel chez Gallimard

Sur l'antisémitisme de H. Arendt, collection Essais chez Calmann-Lévy, 1951

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Les Rendez-vous de Philopop : Quand l'obéissance devient monstrueuse

Les Rendez-vous de PHILOPOP- émission du 31 octobre 2021

Quand l'obéissance devient monstrueuse

Réflexion sur la « banalité du mal » à partir de la lecture de Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal, de Hannah Arendt (1963, collection Folio) et de Nous, fils d'Eichmann, de Günther Anders (1964 et 1988, collection Rivages)

L'expérience du XXème siècle (guerres mondiales, régimes totalitaires, génocides) nous conduit à conclure comme l'historien américain Howard Zinn (discours à l'Université de Baltimore en 1970) que « notre » problème c'est l'obéissance et non pas, comme on le pense habituellement, la désobéissance.

L'exemple d' Eichmann, l'organisateur de la Solution finale, est souvent invoqué pour montrer comment l'obéissance peut devenir monstrueuse. Hannah Arendt parle à son propos de la « banalité du mal ». Mais, comme l'affirment aujourd'hui de nombreux historiens, Hannah Arendt ne s'est-elle pas égarée en voyant en Eichmann un bureaucrate insignifiant qui obéissait aveuglément aux ordres de sa hiérarchie ? Par « banalité du mal », n'entend-elle pas une forme d'obéissance bornée qui reviendrait en définitive à déresponsabiliser Eichmann ?

Quels sont les vrais ressorts de l'obéissance monstrueuse qui a fait tant de ravages dans notre monde contemporain ?

La lecture de l'Essai d'Hannah Arendt nous montrera que les critiques qui lui sont souvent adressées, ne tiennent pas vraiment compte de sa démonstration. L'expression de « banalité du mal » est trop souvent soumise à des contre-sens. Ces critiques correspondent en revanche beaucoup mieux aux textes que Günther Anders a consacrés lui même au cas Eichmann. Il sera ainsi très intéressant de comparer les œuvres et de les confronter.

1- Lecture d'Eichmann à Jérusalem : l'obéissance d'Eichmann était-elle une « obéissance quasi robotique » (selon la formule de l'historien David Cesarani) ?

a- Une obéissance particulièrement zélée : 1- la bureaucratie en régime nazi ; 2- Eichmann est un gestionnaire performant (son activité à Vienne en 1938)

b- Eichmann revendiquait la moralité de ses actions : 1- la citation qu'il fait de « l'impératif catégorique » de Kant et sa déformation ; 2- il était capable de désobéir aux ordres quand ils contredisaient la loi (c'est à dire la volonté du Führer), il désobéit ainsi en 1944 à Himmler

c- Comment s'opère en un homme normal comme Eichmann la perversion de la loi qui exige de lui qu'il considère l'extermination des Juifs comme un devoir : 1- la perversion de la loi (« La loi du pays d'Hitler exigeait que la voix de la conscience dise à chacun : Tu tueras) ; 2- les procédés mis en œuvre par les nazis pour anesthésier la conscience morale ordinaire (les « règles de langage »)

d- L' « absence de pensée » de Eichmann constitutive de la banalité du mal : ni stupidité, ni obéissance robotique, mais choix de ne plus juger, de ne plus avoir à penser aux conséquences de ses actes (exemple de l'épisode de sa conversation avec le capitaine Less)

2- Lecture de Nous, les fils d'Eichmann : Eichmann, exécutant robotique d'un système technique monstrueux

a- La puissance de déshumanisation de la technique moderne menace de monstruosité notre monde contemporain

b- les « deux racines du monstrueux » : la fragmentation technique des tâches a pour effet d'anesthésier moralement les individus (exemple d'Eichmann comme illustration) ; un monde en passe de « devenir machine » et de transformer les hommes en rouages

Conclusion : Deux interprétations différentes du cas Eichmann, deux analyses quasi-opposées des ressorts de l'obéissance monstrueuse qui ravage le monde contemporain (un engagement zélé, monstrueux, où prévaut l'adhésion à l'idée totalitaire, d'un côté ; un système monstrueux de l'autre qui tend à fabriquer des hommes indifférents, bornés à des préoccupations techniques).

Bibliographie : outre les deux œuvres citées,

- Désobéir par Frédéric Gros chez Albin Michel

- Adolf Eichmann, comment un homme ordinaire devient un meurtrier de masse, par David Cesarini, collection Texto, chez Tallandier

- La révolution culturelle nazie, par Johann Chapoutot, Editions Gallimard

Cette émission reprend en partie une conférence donnée à l'Université populaire du Havre :

https://www.franceculture.fr/conferences/universite-le-havre-normandie/eichmann-mediocre-criminel-de-bureau-ou-monstre

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Les Rendez-vous de Philopop : Présentation des activités et du programme de PHILOPOP 2021-2022

La première séance aura lieu le jeudi 23 septembre de 20H30 à 22H30 au lycée Claude Monet du Havre. N'hésitez pas à consulter le site internet de l'association:(https://sites.google.com/site/philopoplh/), pour prendre connaissance des règles sanitaires exigées. Outre les séances qu'elle organise régulièrement au lycée Claude Monet, PHILOPOP donne une émission mensuelle (lesRendez vous de Philopop) sur Ouest Track radio.

1- PHILOPOP, une association ouverte à tous

  • Quelques précisions d'ordre pratique  :

Vous trouverez sur le site de PHILOPOP (https://sites.google.com/site/philopoplh/) le barème des cotisations, le calendrier adopté, le rythme des séances (en moyenne 2 fois par mois un mardi ou un jeudi de septembre à début juin hors vacances scolaire), le lieu et l'horaire  (au Lycée Claude Monet du Havre, salle audio, de 20H30 à 22H30)

  • Les questions philosophiques  : des questions que tout homme peut être amené à se poser au cours de son existence (exemples de la vérité, de la justice, de la liberté...)

  • L'ambition de PHILOPOP : permettre à tous ceux qui le souhaitent d'accéder à un questionnement philosophique en offrant les conditions d'un travail suivi



2- La formule d'un cours progressif (suivi d'une discussion)

  • Il ne consiste pas dans un exposé de connaissances et ne présente pas la pensée des philosophes comme une opinion savante

  • Il montre comment l'examen d'une notion (la vérité, la justice, la liberté, la mémoire...) conduit à formuler un ou des problèmes qui s'imposent nécessairement. La lecture des philosophes n'a pas d'autre intérêt que d'éclairer la réflexion, et de l'aider à aborder ces problèmes.



3- Le programme de la saison 2021-2022

  • Les séances sont accompagnées d'un plan et enregistrées. L'enregistrement est accessible aux adhérents

  • Le thème  : La mémoire

  • L'oeuvre  : L'Etre et le Néant de J.P. Sartre, TEL/ Gallimard

L'émission des Rendez vous de Philopop de ce dimanche 19 septembre (reprise le dimanche 26 septembre) n'a d'autre but que de vous expliquer la démarche de l'association (Philopop, association populaire de philosophie du Havre, créée en 2007) et de vous présenter brièvement le programme de la saison 2021-2022

Les 3 premières séances au lycée Claude Monet: Jeudi 23 septembre, Mardi 12 octobre, Jeudi 21 octobre



Site internet de PHILOPOP: https://sites.google.com/site/philopoplh/

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Les rendez-vous de Philopop : A la recherche de la moitié perdue

Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 27 juin 2021

A la recherche de la moitié perdue

Du désir à l'amour

Nous aborderons la lecture du mytheprésenté par Aristophane dans le Banquet de Platon. Elle sera l'occasion de réfléchir au sens de l'expérience amoureuse.

Ce dialogue a été probablement rédigé vers 375 avant J.C. Le mythe explique la condition humaine par un passé surnaturel : si les amoureux ne veulent faire qu'un, c'est parce qu'autrefois ils furent un

1- La lecture du mythe :

  • Ce qu'était notre nature originelle
  • Zeus punit les hommes archaïques en les coupant en deux : les hommes devenus des demi-portions sont condamnés à rechercher la moitié dont ils ont été séparés. Le désir résulte du châtiment divin.
  • Comme, dans cette quête désespérée, les hommes risquent de dépérir, Zeus doit inventer la sexualité pour permettre aux hommes de trouver un répit momentané grâce à l'orgasme et se reproduire
  • L'amour est ainsi le «médecin des âmes» qui guérit la nature humaine en «rassemblant les parties de notre antique nature»

2- L'amour réalise-t-il vraiment l'union parfaite des moitiés?

  • Peut-on lire le mythe au pied de la lettre? Les indices qui mettent en doute son enseignement apparent : l'étrange intervention d'Héphaïstos, le dieu forgeron; la tentative insensée des ancêtres d'escalader les cieux et de rivaliser avec les dieux.

3- L'attrait exercé par ce mythe sur la psychanalyse

Lectures conseillées:

Le Banquet de Platon (G/F)

Malaise dans la culture de Freud

Ethique III, propositions 9 et 13, de Spinoza

Voir la vidéo-conférence « L'amour selon Spinoza dans l'Ethique » https://www.youtube.com/watch?v=zpeZWOVdTh0, où Spinoza fait la critique de la conception du désir et de l'amour sous-jacente au mythe d'Aristophane.

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Les Rendez-vous de Philopop : Vers un monde sans visage ?

Les Rendez-vous de PHILOPOP,émission du 30 mai 2021

Vers un monde sans visage?



Masque sanitaire, gestes barrière, distanciation sociale, télé-travail, enseignement distanciel... Le monde à venir est-il appelé à devenir un monde sans visage?

Pourquoi nous semble-t-il si important de rencontrer les autres et de voir leur visage? Sommes-nous engagés dans un processus de désincarnation inquiétant ? Pour répondre à cette interrogation, nous nous demanderons:



1- Que faut-il entendre par visage: est-il la même chose que la face, la figure, le faciès ?

a- de la face au visage : l'originalité de la face humaine (la station debout libère à la fois la main et la face, voir Aristote (4ème siècle av. J.C) dans le traité Des parties des animaux, et aussi le paléontologue Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, 1964)

b- l'étymologie du mot visage vient du latin «visus» qui désigne ce qui est vu. Le visage témoigne de notre humanité et de notre singularité. Il n'est pas réductible à la face qui est son support anatomique, ni à la figure qui est son vecteur d'expression. Il se caractérise par son expressivité

c- Pourquoi le visage peut-il être expressif? Il est une totalité perpétuellement en mouvement qui ne se réduit pas à la somme des parties de la figure. Ses expressions sont des signes qui donnent à voir des émotions, sentiments, pensées... . Un visage ne peut devenir expressif si l'individu est privé de toute communication (l'exemple célèbre de l'enfant sauvage, Victor de l'Aveyron)

d- Est-il possible de connaître l'intériorité d'un homme en observant les traits et les expressions de son visage ? : de l'impression première produite par un visage (exemple de Montaigne dans Essais III, chapitre 12 «Sur la physionomie») au projet d'une «science» du visage (= d'une «physiognomonie») qui prétend établir le caractère d'un homme à partir de l'observation des traits de son visage, et à celui des « théories raciales » qui prétendent établir son type racial. Ces prétendues théories réduisent le visage à la face et à la figure.



2- La négation du visage comme négation de l'humanité

Priver un homme de son visage, c'est nier sa singularité d'homme et s'autoriser à le détruire. Voir le film Monsieur Klein de Joseph Losey, l'exemple de l'exposition «Le Juif et la France» de 1941 ; les témoignages des déportés rescapés sur les camps de concentration et d'extermination (Primo Levi, Si c'est un homme, Robert Antelme, L'espèce humaine)



3- Le mystère du visage

a- « La meilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne même pas remarquer la couleur de ses yeux » (Levinas, Ethique et infini, 1981)

b- «L'accès au visage est d'emblée éthique» : il est à la fois appel au meurtre et injonction de ne pas tuer. La barbarie exterminatrice s'accomplit d'autant plus facilement qu'elle prive les victimes de leur visage

c- Le danger d'un effacement des relations humaines par le moyen des nouvelles technologies (le numérique)

Bibliographie :

Montaigne, Essais livre III, chapitre 12, Sur la physionomie

Primo Levi, Si c'est un homme ; Robert Antelme, L'espèce humaine

Emmanuel Lévinas, Ethique et infini