Les rendez-vous de Philopop

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Les Rendez-vous de Philopop avec Didier Carsin

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Les Rendez-vous de Philopop avec Didier Carsin

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Les Rendez-vous de Philopop - Colonialisme et Terrorisme : une confrontation entre Sartre et Camus

Les situations historiques ne sont jamais identiques. Mais dans la mesure où l’enchaînement monstrueux des massacres qui ont lieu depuis cinq mois en Israël et à Gaza, nous y incite, il peut être utile de réfléchir à ce qu’ont écrit Sartre et Camus sur le colonialisme et le terrorisme et sur les raisons de leurs divergences à propos du drame algérien, à la fin des années 50.

1. Le désaccord entre Sartre et Camus sur l’avenir de l’Algérie

a. Le rejet de la colonisation française. Quelques dates à rappeler : les massacres de Sétif en mai 1945, le déclenchement de l’insurrection armée par le FLN en novembre 1954, la proclamation de l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962.

b. Pour Sartre, il n’y a pas d’autre solution que l’indépendance. Il accorde son soutien public aux militants du réseau Jeanson qui collectent et transportent des fonds et des faux papiers pour aider les nationalistes algériens.

c. Camus veut croire encore à une réforme profonde du système colonial qui permette le maintien de l’Algérie française.



2. Une divergence d’analyse concernant le système colonial

a. Camus dénonce ses injustices dans ses articles sur la « Misère de la Kabylie » parus dans le journal Alger républicain en 1939, et en appelle à une réforme sociale et économique pour réaliser une « Algérie pacifique et juste ».

b. Dans l’article qu’il publie en mars 1956 dans les Temps modernes, Sartre montre que « le colonialisme est un système », qui, en raison même de sa nature systémique, ne peut pas être réformé. De l’analyse de sa « nécessité interne » il passe ensuite à l’examen des conséquences de son développement. « L’Etat français livre la terre arabe aux colons pour leur créer un pouvoir d’achat qui permette aux industriels métropolitains de leur vendre leurs produits ; les colons vendent aux marchés de la métropole les fruits de cette terre volée »



3. Une divergence d’analyse et de jugement sur la nature et le rôle de la violence

a. Sartre : la violence émancipatrice du colonisé

  • Le système colonial a besoin d’engendrer de la haine pour se maintenir : haine raciste des colons pour les colonisés (qu’ils ont besoin de déshumaniser et d’invisibiliser) et haine des colonisés pour les colons

  • La violence coloniale conduit à la révolte des colonisés. La violence revient ainsi en boomerang contre le colonisateur, le jour où la furie des colonisés ne peut plus être retenue et éclate (c’est le « temps des massacres », voir la préface de Sartre aux Damnés de la terre de Frantz Fanon, 1961)

  • La violence insurrectionnelle des colonisés est le seul moyen pour eux de sortir « des ténèbres coloniales » et de s’émanciper

b. Camus : le refus de la « casuistique du sang » (Chroniques algériennes)

  • Que la violence soit parfois nécessaire, n’implique pas qu’on puisse en justifier le principe au nom d’une justice absolue, et en faire un usage indiscriminé pour frapper des civils innocents.

  • Les analyses de Camus dans son Essai de 1951, L’Homme révolté : le « crime logique », le « principe de révolte » contre « l’esprit de révolution »

  • On ne peut condamner la torture pratiquée par l’armée française et sa répression féroce menée contre les populations civiles sans condamner en même temps les attentats terroristes du FLN. Pour Camus, c’est l’engrenage des violences qu’il faut combattre, car il ne peut mener qu’à la destruction.

Conclusion :

Réfléchir sur ces deux références en cherchant à comprendre la critique que chacune d’elles peut adresser à l’autre. Mesurer combien leur usage médiatique se révèle souvent abusif (j’en donne un exemple pour Camus)

Bibliographie :

Situations, V chez Gallimard, recueil d’articles de Sartre dans lequel on peut trouver notamment « Le colonialisme est un système » et sa préface aux Damnés de la terre de Frantz Fanon

L’homme révolté de Camus, collection Folio

Chroniques algériennes de Camus, collection Folio

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Les Rendez-vous de Philopop : L’antisémitisme, le sionisme, la Palestine, l’Etat d’Israël, La réflexion de Hannah Arendt

Les Rendez vous de PHILOPOP, émission du 17 décembre 2023

L’antisémitisme, le sionisme, la Palestine, l’Etat d’Israël,

La réflexion de Hannah Arendt

Face à l’horreur des massacres qui ravagent le Moyen Orient, il paraît utile de lire ou de relire l’œuvre de Hannah Arendt (1906- 1975). En tant que juive allemande, elle dut fuir l’Europe en 1941 et se réfugier aux Etats Unis, où elle prit la nationalité américaine en 1951.

L’émission se propose d’examiner les raisons pour lesquelles H. Arendt fut sioniste et celles pour lesquelles elle cessa de l’être

  1. L’antisémitisme moderne et les impasses d’une émancipation purement individuelle (Sur l’antisémitisme)

Pour comprendre pourquoi les Juifs se sont trouvés « au centre de la tourmente », il faut saisir la spécificité de l’antisémitisme moderne qui ne peut pas être confondu avec la haine des Juifs d’origine religieuse, et replacer son développement dans le cadre de l’Etat-nation en Europe aux XIX et XX èmes siècles.

  • L’antisémitisme politique. Le sort des Juifs étant lié à l’existence de l’Etat-nation, son déclin les expose à l’antisémitisme qui les associe imaginairement à des liens financiers avec un Etat corrompu.

  • L’antisémitisme social. Loin de se traduire dans les mœurs, l’égalité des conditions (qui résulte de l’émancipation juridique des Juifs) engendre un antisémitisme social. Plus les Juifs s’assimilent, plus leur différence fait problème, à mesure que leur identité juive devient moins visible. D’une identité religieuse, on passe à une identité raciale (un « type juif ») fantasmée par les antisémites. Le Juif est alors soumis à une injonction contradictoire : ne pas ressembler à un Juif tout en étant juif.

Quels que soient ses efforts pour s’assimiler, le Juif est ramené à sa condition de « paria » et se trouve la proie de l’antisémitisme (« Que Dreyfus est coupable, je le conclus de sa race », écrivait l’écrivain antisémite Maurice Barrès)



  1. Du « paria » au réfugié apatride. La justification d’un Etat pour le peuple juif (L’impérialisme)

Déchus de leur nationalité et de leur citoyenneté par l’Allemagne nazie (fin des années 30), les Juifs sont réduits à la condition de réfugiés apatrides : « Il semble qu’un homme qui n’est qu’un homme a précisément perdu les qualités qui permettent de le traiter comme leur semblable ».

Le premier des droits d’un être humain doit être celui « d’avoir des droits » : cela ne signifie pas seulement des droits civils aux individus, mais cela implique aussi le droit pour un peuple à la liberté politique et à se constituer en nation dotée d’un Etat pour protéger ses droits (L’Etat d’Israël assure « l’établissement de droits humains »)



  1. Quelle doit être la structure du nouvel Etat en Palestine dont les Juifs ont besoin ? La rupture de H. Arendt avec le sionisme



  1. En quel sens il faut entendre, selon H. Arendt, l’idée d’un peuple juif

  2. Les critiques de H. Arendt à l’égard du mouvement sioniste auquel elle reproche de ne pas prendre en compte l’existence des Arabes Palestiniens et de vouloir imposer par la force la création d’un Etat national juif

  3. La fondation d’Etats-nations en Palestine risque de conduire au même échec auquel ont été conduits les Etats-nations d’Europe centrale après le démembrement de l’empire austro-hongrois en 1919. Elle risque de mener à une guerre sans fin (des minorités opprimées, et l’expulsion de populations : 750 000 Arabes palestiniens sont ainsi transformés en réfugiés, privés « du droit d’avoir des droits », comme l’étaient en Europe des centaines de milliers de Juifs à la fin des années 30).

  4. Contre la solution d’Etats-nations, H. Arendt préconise celle d’un Etat bi-national assurant des droits égaux aux Juifs et aux Arabes et organisé sur la base de conseils où ils régleraient ensemble les problèmes qu’ils ont en commun.

Bibliographie :

- Sur l’antisémitisme, 1er tome des Origines du totalitarisme (1951), de Hannah Arendt, collection Essais/Points, et L’Impérialisme, chapitre V : « Le déclin de l’Etat-nation et la fin des droits de l’homme « , 2ème tome des Origines du totalitarisme, même collection

-Dans Ecrits Juifs (chez Fayard), deux articles : «Réexamen du sionisme » (1944) et « Pour sauver le foyer national juif » (1948)

En complément de cette émission, on peut écouter aussi sur Ouest track : L'affaire Dreyfus comme symptôme de l'antisémitisme; - L'affaire du paquebot le Saint Louis en 1939 : réflexion sur les droits de l'Homme et la question des migrants et des réfugiés; - L'antisémitisme (lecture des Réflexions sur la question juive de JP Sartre). Voir la liste des podcasts des Rendez vous de PHILOPOP. 

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Les Rendez-vous de Philopop - Les philosophes des Lumières face à la traite négrière et à l'esclavage colonial

1- Pourquoi les Lumières sont-elles mises en question ?

a- La reconnaissance assez récente des injustices du passé colonial: la Loi du 21 mai 2001, dite "Taubira", et, depuis le 10 mai 2006, célébration d'une "journée de commémoration nationale des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions" (1794 et 1848)

b- Quelle position et quel rôle ont eu les philosophes des Lumières (on limitera le propos aux philosophes français parmi lesquels Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot...)? Ont-ils fermement combattu la traite et l'esclavage ou en ont-ils seulement condamné le principe au nom de l'universalité des droits, tout en en justifiant la pratique pour des motifs politiques et économiques ?

c- Montesquieu (Livre XV de l' Esprit des Lois, 1748) est considéré comme le premier philosophe à avoir posé les principes théoriques de la dénonciation de l'esclavage. Son statut fondateur est-il mérité, et au-delà de son cas, peut-on continuer à affirmer la vertu émancipatrice des Lumières ?

2- Le cas Montesquieu comme illustration des « ambiguïtés » des philosophes des Lumières (critique de Louis Sala Molins, dans Le Code Noir ou le calvaire de Canaan)

a- Il serait silencieux sur la pratique de l'esclavage afro-antillais et sur l'existence du Code Noir (texte promulgué en 1685 qui réglemente en 60 articles l'usage et la vie des esclaves dans les colonies françaises)

b- Il serait indifférent au sort des esclaves noirs, comme en témoignerait le ton léger de l'ironie et de la plaisanterie sur un sujet aussi grave, dans le célèbre chapitre 5 du Livre XV, De l'esclavage des nègres. Critique adressée par Bernardin de St Pierre dans le post-scriptum de la 12ème lettre du Voyage à l'Ile de France (1773).

c- Sa condamnation de l'esclavage serait très ambigüe puisqu'elle admettrait son existence dans les pays chauds (conformément à la théorie du climat exposée au Livre XIV)

d- Cette condamnation se trouverait contredite par la 2ème partie du Livre XV où Montesquieu ne se préoccupe plus que d'indiquer comment prévenir les "abus" et les "dangers" de l'esclavage. Montesquieu est-il vraiment anti-esclavagiste ? Son souci n'est-il pas plutôt de réfléchir aux moyens de perpétuer l'esclavage colonial en évitant des révoltes ?

3- Réponses aux critiques. Lire le Livre XV en confrontant son propos aux préjugés dominants du XVIIIème siècle

a- Montesquieu produit une définition générale de l'esclavage (chapitre 1) qui comprend aussi bien l'esclavage antique que l'esclavage moderne, le servage que l'esclavage "pris à la rigueur tel qu'il était chez les Romains et qu'il est établi dans nos colonies" (note du chapitre 2). L'absence de référence explicite au Code Noir n'est-elle pas une affaire de prudence ?

b- Lecture du chapitre 5 "De l'esclavage des nègres": l'ironie comme arme suprême des Lumières contre l'injustice et l'absurde, et comme réaction réfléchie de Montesquieu aux opinions dominantes du moment (à propos de la nécessité économique de la traite et de l'esclavage, à propos de la question de l'origine de la couleur des Noirs...)

c- Expliquer la présence de l’esclavage dans un certain nombre de contextes (politiques et géographiques) n'est pas le justifier. S'il favorise la servitude, un climat chaud n'est jamais une fatalité. L'argument de la chaleur du climat est fallacieusement invoqué par des élites économiques pour justifier l'institution de l'esclavage dans les colonies et son maintien (chapitres 7 à 9).

d- L'esclavage étant institué dans les faits, le problème est d'éviter ses abus et ses dangers (chapitre 11). Montesquieu préconise ainsi son encadrement juridique. Il n'est pas abolitionniste, il plaide pour des mesures progressives d'affranchissements (ce sera le programme de la Société des amis des Noirs, fondée en 1788)

4- Le mouvement des Lumières comme prise de conscience progressive du caractère insoutenable de l'esclavage colonial

a- Les Lumières ne sont pas un état doté d'emblée de principes déjà constitués.(les droits de l'Homme) Elles ne se caractérisent pas non plus par une doctrine homogène

b- L'un des premiers plaidoyers en faveur de l'abolition est rédigé par le chevalier de Jaucourt, un encyclopédiste ami de Diderot: il s'inspire explicitement de l'argumentation de Montesquieu dans deux articles importants ("Esclavage" et "Traite des Nègres". L'Encyclopédie ne parle pas pour autant d'une seule voix, c'est un lieu de débat : on y trouve aussi des articles favorables à l'esclavage.

c- Les contradictions des Lumières: entre un progrès économique fondé sur la recherche du "luxe" (au nom duquel la traite et l'esclavage paraissent indispensables) et un idéal humanitaire qui au contraire les condamne.

Bibliographie :

Esprit des Lois, Livre XV, de Montesquieu (1748)

Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, Louis Sala Molins, 1987

Esclavages, Les ports normands dans la traite atlantique, XV-XXIè siècles, sous la direction d’Eric Saunier

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Les Rendez-vous de Philopop : Présentation de la saison 2023-2024

Présentation des activités de PHILOPOP (association populaire de philosophie du Havre) et du programme de la saison 2023-2024

1- PHILOPOP, une association ouverte à tous

  • Quelques précisions d'ordre pratique :

voir sur le site de PHILOPOP ( https://sites.google.com/site/philopoplh/ ) le barème des cotisations, le calendrier adopté, le rythme des séances (en moyenne 2 fois par mois un mardi ou un jeudi de septembre à juin hors vacances scolaire), le lieu et l'horaire  (au Lycée Claude Monet du Havre, salle audio, de 20H30 à 22H30)

  • Les questions philosophiques: des questions que tout homme peut être amené à se poser au cours de son existence (exemple de la vérité)
  • L'ambition de PHILOPOP : permettre à tous ceux qui le souhaitent d'accéder à un questionnement philosophique en offrant les conditions d'un travail suivi

2- Les séances au lycée Claude Monet: la formule d'un cours progressif (suivi d'une discussion)

  • Il ne consiste pas dans un exposé de connaissances et ne présente pas la pensée des philosophes comme une opinion savante
  • Il montre comment l'examen d'une notion (la justice, la vérité, le peuple, le temps...) conduit à formuler un ou des problèmes qui s'imposent nécessairement. La lecture des philosophes n'a pas d'autre intérêt que d'éclairer la réflexion, et de l'aider à aborder ces problèmes.

3- Le programme de la saison 2023-2024

  • Les séances sont accompagnées d'un plan et enregistrées. L'enregistrement est accessible aux adhérents
  • Le thème : Le Temps
  • L'oeuvre : Les chapitres 41 et 44 du Monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer regroupés sous le titre : Métaphysique de la mort, métaphysique de l'amour, en 10/18
  • Les 5 premières séances  Mardi 19 septembre, Mardi 3 octobre, Jeudi 12 octobre, Jeudi 9 novembre, Mardi 21 novembre (voir le calendrier sur le site de PHILOPOP

4- L'émission mensuelle des Rendez vous de PHILOPOP sur Ouest track radio (podcastée et accompagnée d'un plan)

Montrer comment la lecture d'une oeuvre philosophique permet d'éclairer une question d'actualité et d'y réfléchir

5- Venez nombreux à la conférence donnée par PHILOPOP  le 21 octobre à 10h30 à la Bibliothèque Niemeyer du Havre:

"Les philosophes français des Lumières face à la traité négrière et à l'esclavage colonial"

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Les Rendez-vous de Philopop - Vers une terre inhabitable ?

Vers une terre inhabitable ?

L'anthropocène

40 experts ont alerté récemment dans la revue Nature du franchissement de 7 des 8 lignes rouges planétaires au delà desquelles la terre risque de devenir inhabitable. Comment expliquer qu'on en soit arrivé là ? A-t-on affaire à un processus fatal ? Peut-on l'enrayer et en atténuer les effets, et si c'est le cas, de quelle manière ?

Pour décrire la situation nouvelle à laquelle l'humanité est désormais confrontée, deux scientifiques, Eugène Stoermer et Paul Crutzen, tous deux spécialistes du climat, ont proposé d'ajouter une 3ème ère au quaternaire (après le pléistocène et l'holocène) qu'ils décident de nommer anthropocène (c'est à dire l'ère de l'humain) parce qu'elle est marquée par l'impact des actions humaines

1- En quoi l'hypothèse de l'anthropocène paraît-elle pertinente pour désigner la nouveauté et la gravité des transformations en cours (réchauffement climatique, érosion massive de la biodiversité planétaire, acidification des océans, pollution des eaux, des airs et des sols...) ?

  • On ne peut plus s'en tenir aux idées de crise écologique et de développement durable

  • L'hypothèse proposée constitue l'humanité en force géologique : pour la 1ère fois dans l'histoire de la planète, une époque géologique serait définie par la capacité d'action d'une espèce, l'espèce humaine

  • Cette hypothèse conduit à mettre en cause la séparation établie par la modernité entre la nature et l'histoire humaine (voir l'introduction à l'histoire universelle de Michelet, et la préface de Condorcet à l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain)

  • L'homme ne peut plus considérer la nature comme un milieu extérieur prévisible dont il peut connaître les lois et qu'il peut soumettre à ses techniques, il devient partie prenante de l'histoire de la terre en risquant par son activité de la détruire comme espace habitable.

2- L'hypothèse de l'anthropocène est-elle légitime ?

L'humanité est-elle vraiment en train d'écrire une page entièrement neuve de l'histoire de la planète ? N'est-ce pas là surévaluer l'importance de son activité ?

Distinguer avec Philippe Descola (article de la revue Esprit de 2015, Humain, trop humain?) le phénomène général d'anthropisation (exemple d'une altération écosystémique régionale par l'intervention continue des Amérindiens sur la flore de la forêt amazonienne) de l'anthropocène en tant que transformation globale et accélérée du système de la terre depuis un peu plus de 2 siècles.

3- A quel type d'action doit conduire le diagnostic d'anthropocène ?

a- Le projet d'une « géo-ingénierie » planétaire et l'idée d'une « gouvernance environnementale globale » (selon la formule de John Kerry, envoyé spécial du président des USA pour le climat, en 2014) :

  • l'anthropocène apparaît dans cette perspective comme l'âge de la domination de l'homme sur la planète

  • au lieu d'admettre les limites de la technique humaine et ses conséquences involontaires, ce projet revient à s' illusionner sur sa puissance en s'imaginant trouver en elle le remède aux maux engendrés par le développement industriel

b- Une nouvelle conception du rapport de la technique à la nature, pour laquelle la nature n'est plus entièrement prévisible en ce qu'elle est constituée par un système d'interactions de plusieurs processus naturels dans lequel s'insère l'activité humaine. L'anthropocène est l'entrée dans un monde incertain.

4- La question des responsabilités : le caractère politiquement discutable de la notion d'anthropocène

Parler d'anthropocène, c'est rendre l'humanité dans son ensemble responsable de la dégradation de la situation environnementale. S'il est vrai que la notion est pertinente dans la mesure où désormais tous les peuples sont affectés, elle dissimule toutefois deux injustices :

  • le fait que les différentes populations du monde n'ont pas participé à part égale au processus de l'anthropocène (c'est pourquoi des historiens lui préfèrent la notion de « capitalocène »)

  • le fait que ce sont celles qui y ont le moins contribué qui sont aujourd'hui les plus exposées à ses conséquences (inondations, montée des océans, sécheresses etc)

Les inégalités et les injustices ne sont-elles pas un obstacle considérable pour lutter résolument contre les effets de l'anthropocène ?

Bibliographie :

L'événement anthropocène, par Christophe Bonneuil et Jean Baptiste Fressoz, collection Points/ Seuil

Penser et agir avec la nature, par Catherine et Raphaël Larrère, édition La Découverte