Réflexion sur la mémoire collective, principalement à partir de la Conférence d'Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation ? (1882), et du livre de l'historien Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, paru en 1987.
Pour mettre fin à une guerre civile, faut-il prescrire l'oubli des violences et des crimes pour réconcilier les citoyens ennemis et reconstruire l'unité de la Cité ? Ou faut-il au contraire en perpétuer le souvenir afin de prévenir leur répétition ? Devoir d'oubli ou devoir de mémoire ?
La 1ère solution fut longtemps privilégiée : 3 exemples.
Exemple du serment que devaient prononcer les citoyens d'Athènes de ne plus rappeler les violences de la guerre civile qui eut lieu en 404 av J.C. ; exemple de l'édit de tolérance de 1598 exigeant que la mémoire des choses passées (les guerres civiles entre catholiques et protestants) « demeure éteinte et assoupie comme chose non advenue « ; exemple plus récent des lois d'amnistie de 1951 et 1953 concernant les faits de collaboration sous Vichy
Pourquoi l'oubli nous paraît-il aujourd'hui inacceptable ? Pourquoi la mémoire est-elle devenue une obligation ?
1- Pour préserver l'unité et l'identité d'une nation, n'est-il pas nécessaire d'exclure de sa mémoire commune les pages noires de son histoire ? « L'oubli, -je dirai même l'erreur historique- sont un facteur essentiel de la création d'une nation » (Ernest Renan dans Qu'est-ce qu'une nation ? 1882)
2- L'impossible effacement du souvenir d'une guerre civile comme celle qui eut lieu sous Vichy entre 1940 et 1944 (Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, 1987)
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En quoi la période de Vichy fut-elle « une tragédie d'une exceptionnelle gravité » ?
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« Le syndrome de Vichy est l'ensemble hétérogène des symptômes, des manifestations (…) qui révèlent l'existence du traumatisme engendré par l'Occupation » (particulièrement celui qui est lié aux divisions opposant les Français).
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Le projet de l'historien du syndrome de Vichy : étudier les manifestations de la mémoire de Vichy et ses transformations au cours de son devenir depuis 1944, à la manière dont Freud aborde les symptômes d'une névrose (un bref rappel de la leçon de Freud). Le traumatisme ne peut être effacé, mais survit de manière souterraine à travers son refoulement.
3- Les 4 phases de l'histoire de la mémoire de Vichy depuis 1944 :
- de 1944 à 1954, de l'épuration jusqu'aux lois d' amnistie : le « deuil inachevé »
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de 1954 à 1971, le « refoulement » du traumatisme : le silence officiel sur le régime de Vichy, le « mythe résistancialiste » (l'assimilation de la « Résistance » à l'ensemble de la nation)
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de 1971 à 1974, le « miroir brisé ». Le « retour du refoulé » (la réémergence dans le débat public du passé de Vichy sur la collaboration et la responsabilité du régime dans la déportation des Juifs dans les camps de la mort)
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depuis 1974, le réveil de la mémoire juive, la réouverture de procédures judiciaires contre d'anciens nazis et d'anciens collaborateurs ayant échappé pendant des décennies à toute justice, la requalification de leurs crimes en « crimes contre l'humanité » (dont l'imprescriptibilité est reconnue depuis la loi de décembre 1964).
4- La mémoire collective implique un nouveau rapport au passé
- elle est d'abord une exigence de justice à l'égard des victimes des crimes du passé (reconnaissance des torts et réparation)
- elle ne repose plus sur une adhésion irréfléchie à un passé mythifié et une forme d'allégeance mais aborde le passé (ses épisodes conflictuels) comme « un problème à résoudre ». Ce n'est possible que dans une démocratie où les citoyens débattent et construisent l'identité de leur nation.
Bibliographie :
Qu'est-ce qu'une nation ? Ernest Renan, 1882
Le syndrome de Vichy, Henry Rousso, 1987
Face au passé, Henry Rousso