Les rendez-vous de Philopop

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Les Rendez-vous de Philopop avec Didier Carsin

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Les Rendez-vous de Philopop avec Didier Carsin

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Les Rendez-vous de Philopop : L'enfer, c'est les Autres

Les Rendez vous de PHILOPOP, émission du 1er mai 2022

« L'enfer, c'est les Autres »

« Alors, c'est ça l'enfer (…) Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril... Ah ! Quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l'enfer, c'est les Autres »

Ce sont les paroles de Garcin, l'un des trois personnages de Huis-Clos, à la fin de la pièce que J.P. Sartre produit la 1ère fois en 1944.

Que veut dire la formule devenue célèbre : « L'enfer, c'est les autres » ?Sartre conclut-il que nos rapports avec les autres sont toujours infernaux ? Qu'en est-il de notre relation avec autrui ? Pour en éclairer le sens, lisons ou relisons Huis Clos à la lumière des analyses de Sartre dans la 3ème partie de l'Etre et le Néant (1943) dont le titre est : « Le pour-autrui ».

1- Le dispositif qui permet de faire du salon de Huis-Clos un enfer : les personnages sont éternellement livrés au regard des autres

2- L' analyse des relations avec autrui dans la 3ème partie de l'Etre et le Néant

a- Il n'y a d'expérience d'autrui que si je l'appréhende comme sujet (conscience). Si ma perception ne me révèle que des objets, comment puis-je savoir avec certitude qu'autrui est une autre conscience (un autre sujet, un autre moi qui n'est pas moi) ?

b- L'expérience d'autrui comme épreuve d'une décentration de ma perception du monde et d'un regard qui m'objective

  • L'exemple du jardin public (le Square St Roch au Havre?) : « Ainsi tout à coup un objet est apparu qui m'a volé le monde »

  • L'exemple du trou de serrure (l'expérience de la honte) : c'est en m'éprouvant comme objet du regard d'autrui que je fais au coeur de ma conscience l'expérience de sa présence comme sujet

c- Le regard d'autrui me révèle que je ne suis pas une pure conscience et que j'ai aussi un dehors qui peut être jugé et qualifié. Je découvre que je suis désormais quelqu'un, et que ce que je suis m'échappe, puisque ce que je suis dépend de la perception qu'autrui a de moi : « Ma chute originelle, c'est l'existence de l'autre ».

3- L'épreuve du regard d'autrui comme enfer (retour à Huis Clos)

a- L'absence de miroir dans Huis Clos fait de chacun des personnages la proie du regard des autres. Le regard d'autrui impose ainsi à la conscience un dehors qu'elle ne contrôle pas et qu'il peut métamorphoser à volonté (voir la scène où, faute de retrouver sa glace de poche, Estelle s'aliène au regard d'Inès)

b- Si l'enfer ne peut avoir d'autre lieu que les autres  (ils nous enferment dans leurs jugements et nous assignent une identité), cela ne signifie pas que cet enfermement est définitif. Il ne l'est que lorsqu'on est mort ou que nous nous comportons dans l'existence comme des morts-vivants pour qui les jugements des autres sur eux sont définitifs. Etre mort (comme les personnages de Huis Clos), c'est être dans l'impossibilité d'agir sur notre existence et de donner un nouveau sens à notre passé ; c'est être condamné au jugement que les autres (les vivants) porteront sur nous: « Pour la vie morte, les jeux sont faits (…) Etre mort, c'est être en proie aux vivants » (L'Etre et le Néant, 4ème partie, chapitre 2, E : « Ma mort », page 712)

4- C'est le conflit qui donne vie aux relations avec autrui

a- Il y a conflit en ce que chaque conscience vise à surmonter sa dépendance originelle à l'autre en maîtrisant sa relation avec lui

b- L'exemple de l'amour : il est la tentative de posséder la liberté de l'autre pour le contraindre à me reconnaître comme sa raison d'être ; cette tentative doit demeurer impossible pour que l'amour ait un avenir

c- Si le conflit est ce qui fait la vie de la relation avec autrui, l'enfer commence avec le tiers. La relation amoureuse qui s'ébauche entre Garcin et Estelle meurt très vite d'être objectivée sous le regard d'Inès (voir Huis-Clos)

Bibliographie :

-Huis Clos de Jean Paul Sartre, collection Folio

-L'Etre et le Néant, 3ème partie (« Le pour-autrui »), collection Tel/ Gallimard

- Huis Clos mis en scène par Robert Hossein sur youtube : https://www.youtube.com/watch?v=ila9Vjpp3yE

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Les rendez-vous de Philopop : La guerre est-elle vraiment la continuation de la politique par d'autres moyens ?

Les Rendez vous de PHILOPOP, émission du 13 mars 2022

La guerre est-elle vraiment la continuation de la politique par d'autres moyens ?

Réflexion à partir de la lecture du traité de Clausewitz (1780- 1831),« De la guerre »

Le 24 février 2022, Vladimir Poutine décide d'envahir l'Ukraine et menace de faire usage de l'arme nucléaire si on l'empêche d'arriver à ses fins.

Si, comme l'explique Clausewitz, la guerre est un moyen pour la politique d'atteindre ses fins quand tous les autres ont échoué, est-elle encore un moyen de continuer la politique si, livrée à sa propre dynamique qui la porte vers une violence illimitée, elle débouche sur l'utilisation de l'arme nucléaire ? La célèbre définition de Clausewitz (« la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens ») est-elle toujours valable ?

Pour répondre à ce problème, nous suivrons d'abord l'analyse de Clausewitz.

Clausewitz ne s'interroge pas sur la signification anthropologique de la guerre (résulte-t-elle d'un penchant humain?), il n'en discute pas la légitimité (y a-t-il des guerres justes?), il ne porte pas sur elle un jugement moral. La guerre est à ses yeux un fait dont il faut comprendre la nature et découvrir les lois. Cette étude exige qu'on cesse de la considérer simplement comme un phénomène irrationnel, le déchaînement aveugle d'une violence collective.

1- La guerre apparaît ordinairement comme un phénomène irrationnel pour trois raisons :

a- Elle témoigne de l'existence d'un penchant humain à l'agression et à la destruction (Freud : Propos d'actualité sur la guerre et la mort (1915), Pourquoi la guerre ? (correspondance avec Einstein, 1932)

b- En tant qu'elle est l'expression arbitraire du droit du plus fort, elle est injustifiable juridiquement (violation du droit)

c- En tant qu'elle est dans son principe la négation du genre humain, elle est injustifiable moralement (Kant, conclusion de la Doctrine du droit)

2- La volonté de faire la guerre n'est pas simplement l'expression d'un penchant naturel à l'agression

a-Elle a une rationalité : c'est une force organisée, une violence contrôlée et dirigée

b- Faire la guerre, ce n'est pas simplement tuer et se faire tuer, c'est être prêt à mourir pour tuer un ennemi (Alain : « Il faut des maximes qui tuent », § 90 de Mars ou la guerre jugée)

c- La logique interactive de la guerre (elle est comme un « duel ») empêche qu'on la réduise à l'expression d'une agressivité naturelle (De la guerre I, 1 et VI, 7, Clausewitz)

3- La guerre tend par elle-même à « monter aux extrêmes » (De la guerre, I, 2 et 3,Clausewitz)

a- Le « concept pur » de la guerre : la dynamique constitutive de la guerre comme montée aux extrêmes

b- Du concept pur de la guerre à la réalité des guerres : les raisons pour lesquelles elles ne montent pas aux extrêmes

4- « La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens » (VIII, 6)

Conclusion : la guerre ne rompt pas avec la politique et par bien des aspects elle lui ressemble, mais en même temps, elle risque de lui échapper car elle est une violence potentiellement illimitée. Qu'en est-il alors du risque que constitue l'usage de l'arme nucléaire ? La guerre est-elle vraiment la continuation de la politique par d'autres moyens ?

Bibliographie :

  • De la guerre, surtout les Livres I et VIII, Clausewitz

  • Penser la guerre, Raymond Aron

  • En rapport avec le thème de la guerre et de la paix, voir le podcast de l'émission des Rendez-vous de Philopop : « La mondialisation est-elle un doux commerce ? »

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Les Rendez-vous de PHILOPOP : Angoissante liberté

Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 20 février 2022

Angoissante liberté

Réflexion à partir de la lecture de l'Etre et le Néant de J.P. Sartre (1943).

En quel sens les hommes sont-ils libres ? Comment leur liberté se révèle-t-elle à eux ? Pourquoi ignorent-ils le plus souvent ce qu'elle est et tentent-ils de la fuir?

1- La liberté est « l'être de la réalité humaine »

a- La conscience fait de l'homme un être libre. Elle n'a pas l'être d'une chose, elle est un mouvement qui la porte au dehors d'elle même en ce qu'elle est toujours « conscience de quelque chose ». Elle est ainsi « l'être qui est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est » (conscience d'un arbre, elle est en même temps cet arbre qu'elle n'est pas et elle n'est pas cet arbre dont elle se distingue).
b- En tant que j'ai conscience de moi, je suis en même temps ce moi dont j'ai conscience et je ne le suis pas. La liberté est cette impossibilité pour l'homme de coïncider avec son être, qui fait qu'il a toujours à être

2- C'est dans l'angoisse que les hommes découvrent le fait irrémédiable de leur liberté

a- L'exemple du vertige : la différence entre la peur et l'angoisse
b- « Je m'angoisse parce que mes conduites ne sont que possibles ». La découverte d'une liberté sans attaches : il ne tient qu'à moi de m'éloigner du précipice ou de m'en approcher : rien ne détermine mon choix.
c- Nous voudrions pouvoir échapper à notre liberté, l'angoisse nous révèle que c'est impossible : « Nous sommes condamnés à être libres ». Nous n'avons pas le choix d'être libres ou non, nous n'avons pas le choix de ne pas choisir.

3- La « mauvaise foi » comme tentative d'échapper à sa liberté et d'être comme une chose

a- Elles est ce mensonge à soi-même qui est rendu possible par le mode d'être de la réalité humaine (sa liberté)
b- Parmi les exemples donnés par Sartre, celui de l'homosexuel qui, honteux d'être homosexuel dans une société homophobe, dénie son homosexualité (il prétend n'être aucunement ce qu'il est et se définit comme ne l'étant pas)
c- Dans l'ordre de l'action, la mauvaise foi se traduit par « l'esprit de sérieux » (exemple de l'antisémite dans les Réflexions sur la question juive, 1946)

4- La liberté en situation

a- Ne pas confondre la liberté ontologique de l'homme qui constitue sa réalité et l'usage qu'il fait de sa liberté « en situation ». La situation qui s'impose à lui ne détermine pas le sens qu'il choisit de lui donner (exemple du rocher)
b- Loin que le passé détermine le présent, c'est le futur (qu'on projette de réaliser) qui décide du sens du passé (l'exemple de la crise mystique de l'âge de 15 ans et celui de la continuation ou de la rupture du lien conjugal)

5-Il y a des situations qui révèlent au plus haut point notre liberté (La République du silence, dans Situations III)

a- « Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande (…) A cause de tout cela, nous étions libres »
b- « Il n'y a pas de situation inhumaine ». C'est la conscience qui décide seule de son sens : il est possible que je résiste à la torture pour ne pas trahir mes camarades (« Si on me torture, tiendrai-je le coup? »)

Bibliographie :

- L'Etre et le Néant de J.P. Sartre (1943) chez Tel/ Gallimard, plus particulièrement la 1ère partie chapitre 1 (« l'origine du néant ») et chapitre 2 (« la mauvaise foi »), ainsi que le début de la 4ème partie (« Etre et faire : la liberté »)

- Les Réflexions sur la question juive (le portrait de l'antisémite) 1946, collection Essais en Folio

- https://www.youtube.com/watch?v=Qc0WvffrlIU, archive France Culture « la liberté selon JP Sartre », texte de Sartre lu par lui-même, paru la 1ère fois en 1944 dans Les Lettres françaises et publié ensuite sous le titre « La République du silence » dans Situations III chez Gallimard

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Les Rendez-vous de Philopop : L'état d'urgence : une menace pour la sûreté des citoyens ?

Les Rendez-vous de PHILOPOP- émission du 23 janvier 2022
L'état d'urgence : une menace pour la sûreté des citoyens ?

Réflexion à partir de la lecture de l'Esprit des Lois de Montesquieu (1748),

Etat d'urgence contre le terrorisme (novembre 2015), état d'urgence sanitaire (depuis mars 2020) … L'état d'urgence est en principe un état temporaire qui, pour faire face à un péril imminent, confère des compétences exceptionnelles au pouvoir exécutif et aux autorités administratives, et conduit exceptionnellement à restreindre des libertés. Mais l'inscription au droit commun des mesures d'exception d'abord présentées comme provisoires et la pérennisation de l'état d'urgence ne conduisent-elles pas l'Etat à suivre inexorablement la pente de ce que Montesquieu appelait le « despotisme » ? Jusqu'où l'Etat peut-il aller sans se transformer en instrument d'oppression ?

Pour Montesquieu, le mal à combattre est toujours l'arbitraire, sous quelque forme que ce soit, car il est source de violence et de crainte. Aussi définit-il la liberté politique comme son antidote : elle est « cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté » (XI, 6). Comment l'établir et la maintenir ? Comment instituer l'Etat si l'on veut qu'il protège la liberté politique et ne puisse tomber dans « l'abus de pouvoir » ? Nous allons suivre la démarche de Montesquieu dans les Livres XI et XII de L'Esprit des Lois.

1- L'institution de l'Etat est nécessaire pour établir la liberté et mettre un terme à l'arbitraire et à la violence auxquels les hommes seraient livrés s'il ne réglait pas leur coexistence par des lois (Montesquieu ne distingue pas Etat et gouvernement). Au comble de l'arbitraire, il y a le gouvernement despotique où « un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices » (II, 1). A ce gouvernement s'opposent les « gouvernements modérés » qui sont réglés par des lois (nous les appelons aujourd'hui Etats de droit)

2- Il faut que dans ces Etats une constitution distribue les pouvoirs dans des mains distinctes pour assurer vraiment les conditions de la liberté politique.

a- Le despotisme ne désigne pas seulement le gouvernement despotique, il est aussi une menace qui pèse sur les gouvernements modérés quand il y a « abus de pouvoir ». Pour éviter ce mal, la solution est de le diviser et « d'arrêter le pouvoir par le pouvoir » par une constitution qui distribue les pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) dans des organes distincts

b- L'exemple de la Constitution d'Angleterre permet d'étudier les conditions de la liberté politique: 1- on y trouve un équilibre des pouvoirs législatif et exécutif par leur liaison et leur enchaînement (ils ne sont pas séparés, sinon ils ne pourraient pas se faire contrepoids) ; 2- on y trouve un partage du pouvoir législatif entre des forces sociales et politiques aux intérêts opposés (les nobles et le peuple) ; 3- le seul pouvoir qui est séparé des deux autres, est le pouvoir judiciaire (indépendance de la justice).

3- Il faut encore que cesse l'arbitraire qui affecte les lois pénales (« les lois criminelles ») : « C'est de la bonté des lois criminelles que dépend principalement la liberté du citoyen » (XII, 2). Pour cela :

a- Il faut une procédure rigoureuse d'instruction qui protège l'innocence des citoyens (« Quand l'innocence des citoyens n'est plus assurée, la liberté ne l'est pas non plus »)

b- Le criminel ne doit pas être confondu avec un ennemi : il est d'abord un citoyen dont il faut protéger les droits jusqu'au moment où cette protection cesse, une fois sa culpabilité établie et sa peine prononcée. Celle-ci ne doit pas être confondue avec une « rétention de sûreté » qui consiste à interner préventivement un individu considéré comme « suspect » ou « dangereux » (voir l'évolution sécuritaire du droit pénal contemporain)

c- Il faut une qualification précise des crimes et une classification qui assure une juste proportion entre les crimes et les peines (la criminalisation des opinions et des actions  « qui choquent la religion », les blasphèmes, entraîne une violence sans limite et « détruit la liberté des citoyens ») et encore un usage modéré des peines qui tienne compte des limites naturelles de la sensibilité humaine  (la surenchère répressive ne fait pas reculer la criminalité).

Conclusion : La pérennisation de l'état d'urgence risque de transformer l'Etat de droit en Etat sécuritaire qui restreint et menace la liberté des citoyens. Sans des lois qui préservent les citoyens aussi bien de l'arbitraire des autres que de celui de l'Etat, la liberté ne peut être protégée. Elle est inséparable de la sûreté.

Bibliographie :

De l' Esprit des Lois de Montesquieu, surtout les livres XI et XII (1748)
Montesquieu, les lois et les mœurs, par Didier Carsin, collection « Philosophie en cours » chez Démopolis (2017)
Libertés et sûreté dans un monde dangereux par Mireille Delmas-Marty au Seuil (2010)
Penser l'ennemi, affronter l'exception, par J.C. Monod, édition La Découverte/poche (2016)
La Démocratie en état d'urgence par Stéphanie Hennette-Vauchez au Seuil (2022)

Pauses musicales :
J.S. BACH, CONCERTO NO.5 IN F-MINOR FOR HARPSICHORD AND STRINGS (BWV 1056) - LARGO, MARIA JOÃO PIRES
Fauré: Pavane / Rattle · Berliner Philharmoniker
Johann Sebastian BACH: Adagio, BWV 974

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Les Rendez-vous de Philopop : Que signifie "être français"?

Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 19 décembre 2021

Que signifie : «être français»?

L'identité nationale est-elle essentiellement une affaire d'origine? La nation est-elle une «mère»?

Notre réflexion s'appuiera sur la lecture de la conférence d'Ernest Renan, prononcée à la Sorbonne en 1882, Qu'est-ce qu'une nation? Cette conférence fait souvent référence.

1- Le contexte historique: l'annexion à l'Allemagne de l'Alsace et de la Moselle en 1871

  • La discussion entre Renan et l'historien allemand David Strauss
  • Si l'identité nationale est une affaire d'origine, D. Strauss a raison: l'Alsace et la Moselle sont allemandes

2- La méthode de la conférence: examiner les différents critères qui sont proposés de la nation afin d'établir celui qui est légitime

- La nation n'est ni une race, ni une ethnie, ni une langue, ni une culture

  • Définir l'identité nationale en termes d'origine culturelle, c'est enfermer les hommes dans une identité particulière figée et nier leur dimension universelle : « N'abandonnons pas ce principe fondamental, que l'homme est un être raisonnable et moral, avant d'être parqué dans telle ou telle langue, avant d'être membre de telle ou telle race, un adhérent de telle ou telle culture »
  • La nation n'est rien sans la volonté des hommes. Sa définition légitime : «La nation est un principe spirituel (…) L'existence d'une nation est un plébiscite de tous les jours».

3 – La nation «est un plébiscite de tous les jours» fondé sur une mémoire commune

  • Elle n'est pas une pure construction de la volonté : les hommes ne peuvent vouloir continuer de vivre en nation sans la mémoire d'un passé commun
  • Il faut distinguer la question des origines de la nation de celle de son principe (qui est pour la 1ère fois affirmé par la Révolution française de 1789)
  • La mémoire sur laquelle est fondée la nation, est une mémoire affective, nécessairement sélective et oublieuse, qui permet de préserver son existence

4- Examen critique de la thèse de Renan: si la nation a besoin d'être portée par une mémoire commune, l'histoire est-elle pour elle une menace, en tant que discipline critique?

  • Les nations sont des constructions historiques dont l'unification s'est faite le plus souvent au prix de conflits violents (par exemple, la croisade des Albigeois aux XII et XIII èmes siècles, les guerres de religion au XVI ème siècle en France)
  • Pour préserver leur existence, faut-il bannir les études historiques qui impliquent un regard critique à l'égard de la mémoire des hommes? L'adhésion à la nation exige-t- elle une forme d'idéalisation du passé qui repose sur l'oubli de ses pages noires?
  • Un exemple d'occultation du passé : le «mythe résistancialiste » selon lequel la grande majorité des Français avaient combattu l'occupant nazi pendant la seconde guerre mondiale (Henry Rousso, dans le Syndrome de Vichy)
  • Une nation qui n'assume pas son passé a-t-elle un avenir?

Bibliographie :

Qu'est-ce qu'une nation ?, par Ernest Renan, collection Champs/Flammarion

Le syndrome de Vichy, par Henry Rousso, Editions Seuil

Vichy, un passé qui ne passe pas, par Henry Rousso et Eric Conan, Collection Folio

Cette émission a été donnée sous un autre titre (La nation est-elle une «mère»?) le 28 juin 2020 sur Radio Ouest track.