Les rendez-vous de Philopop

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Les Rendez-vous de Philopop avec Didier Carsin

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Les Rendez-vous de Philopop avec Didier Carsin

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Les Rendez-vous de Philopop : Peut-on parler d'un châtiment divin ?

Le récit de la Genèse est présenté traditionnellement comme le texte du « péché originel ». Sa lecture valide-t-elle cette interprétation ? Ce récit enseigne-t-il la vérité de la condition pécheresse de l'homme, comme l'affirment Saint-Augustin (354- 430) et Pascal (1623-1662) à sa suite, - ou n'est-il qu'un texte anthropomorphique exprimant la vision d'un homme ignorant, selon la lecture qu'en fait Spinoza (1632- 1677)?

Peut-on dire qu'Adam, le premier homme, est puni par Dieu pour avoir désobéi à son commandement, et condamne le genre humain à la souffrance pour le prix de sa faute ?

1- Examen du récit de la Genèse (particulièrement de ses chapitres 2 et 3)

a- Les trois étapes du récit : 1- le don du jardin par Dieu et l'énoncé de son commandement ; 2- l'irruption du serpent : de la tentation à la faute ; 3- le châtiment de Dieu et l'expulsion d'Adam et Eve du jardin

b- Dieu a-t-il prononcé l' interdiction de manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, ou a-t-il exprimé seulement un avertissement concernant la nocivité de ce fruit ? La reformulation de l'énoncé divin par le serpent et la femme et son interprétation insistante en termes d'interdit (« Dieu a dit : (…) Vous n'y toucherez pas »)

c- Une mise en cause de la crédibilité de la parole divine

2- Les difficultés auxquelles se heurte l'interprétation théologique du récit en termes de péché originel

a- Une faute bien étrange dont Adam ne peut prendre conscience qu'en mangeant du fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal

b- L'idée d'une corruption de la nature originelle de l'homme est incompréhensible : comment comprendre que cet être que Dieu a créé bon et tout-puissant (il le fait à son image) fasse l'expérience de sa faiblesse en cédant à la tentation ?

c- Ces difficultés n'empêchent pas les théologiens et les moralistes d'affirmer le libre-arbitre de l'homme et de soutenir en même temps le dogme du péché originel

3- La critique par Spinoza des présupposés de cette conception théologique

a- Le libre-arbitre est une illusion ; il n'exprime pas une véritable liberté mais traduit une impuissance

b- C'est une illusion qui fait obstacle à la connaissance de l'homme et de Dieu

c- Dieu n'est pas à l'image que l'homme se fait de lui-même (en se croyant doté d'un libre-arbitre) : il n'est pas une volonté qui crée l'univers et qui s'adresse aux hommes par des commandements, et rétribue leurs actes par des récompenses ou des châtiments ; il est le Réel en sa totalité (la Nature) en tant qu'il se produit selon des lois nécessaires et produit toutes les choses qui sont en lui. Ses lois sont des « vérités éternelles » qui expriment des rapports nécessaires et non des commandements.

4- La lecture que fait Spinoza du récit de la Genèse (Traité théologico-politique, chapitre 4)

a- Le récit de la Genèse exprime la vision anthropomorphique d'un ignorant qui imagine Dieu comme une volonté qui s'adresse à lui et exige de lui obéissance

b- Selon ce récit, Dieu n'interdit aucunement à Adam de manger du fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal, mais il l'avertit de sa nocivité. Il ne peut donc pas y avoir de faute d'Adam.

c- Ce n'est qu'après en avoir mangé et souffert de son effet nocif, qu'Adam interprète sa souffrance comme le châtiment de Dieu

Conclusion : En quoi le fruit de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal agit-il comme un poison ? Réflexion sur la différence entre la morale et la sagesse.

Bibliographie :

  • Genèse, chapitres 2 et 3

  • Spinoza : Préfaces des 3ème et 4ème parties de l'Ethique, Traité politique, chapitre 2, § 6 ; et surtout, Traité théologico-politique, chapitre 4.

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Les Rendez-vous de Philopop : « La raison du plus fort est toujours la meilleure »

Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 30 octobre 2022

« La raison du plus fort est toujours la meilleure »

Chacun aura reconnu la célèbre morale du Loup et de l'agneau de Jean De la Fontaine.

Pour comprendre ce qu'est la « raison du plus fort », il est utile d'examiner la manière de raisonner du loup dans la fable. Cette morale peut susciter deux lectures :

  • Selon la première, c'est une morale ironique : la « raison du plus fort » consiste à déguiser la force en droit ; elle revient à donner une apparence de justification à ce qui n'est que le décret arbitraire du plus fort. C'est la lecture de Rousseau dans le Contrat social (1762)
  • Selon la seconde, c'est une morale réaliste : il faut se résoudre à reconnaître que seule la force est en mesure d'instituer le droit et de faire régner la paix. La raison du plus fort est ainsi toujours la meilleure. C'est la lecture de Pascal, dans ses Pensées, parues après sa mort en 1670.

L'examen de la morale du Loup et de l'agneau nous conduit ainsi à nous interroger sur la nature du droit : s'oppose-t-il à la force (Rousseau) ou se ramène-t-il au contraire à elle (Pascal) ?

1- Le droit contre la force (Rousseau, Contrat social, Livre I, chapitre 3)

a- La faiblesse de la force explique que le plus fort ait besoin du droit du plus fort pour maintenir sa domination.

b- C'est un « prétendu droit » reposant sur la confusion de la force et du droit, dont l'efficacité consiste à capter le consentement des opprimés à leur oppression (ils se croient « obligés » d'obéir alors qu'ils sont « contraints »)

c- En dissipant cette confusion et en ramenant la force à ce qu'elle est (une « puissance physique »), les peuples ont raison de s'insurger et de chercher à renverser le rapport de forces en leur faveur (« Puisque le plus fort a toujours raison, il ne s'agit que de faire en sorte qu'on soit le plus fort », Rousseau fait ici allusion à la morale du Loup et de l'agneau)

d- Instituer un véritable droit et établir une autorité légitime : c'est l'objet du Contrat social.

2- Seule la force fait le droit (Pascal, Les Pensées)

a- L'idéal serait que la justice (« qualité spirituelle ») soit toujours suivie et secondée par la force (« qualité physique »), mais « ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste » (Pensée 298, édition Brunschvicg)

b- L'explication de cet état de fait est la suivante : « La justice est sujette à dispute » ; « La force est très reconnaissable et sans dispute »

c- Ainsi, seule la force peut tenir les hommes en respect en instaurant un droit qui mette fin aux querelles.

d- Comme la force ne peut d'elle-même engendrer un sentiment de justice, il faut qu'elle soit occultée comme force pour qu'elle paraisse la justice dans l'imagination du peuple à travers les lois établies (il faut qu'il oublie avec le temps la violence originelle, - « l 'usurpation »- du plus fort, Pensées 294, 304, 326).

3- Ces deux lectures s'appuient sur deux conceptions de l'homme radicalement différentes :

  • Pour Pascal, l'émancipation des hommes et des peuples est illusoire (la « concupiscence » est au principe de leurs actions, la politique consiste à « régler un hôpital de fous ») ; pour Rousseau, elle est une exigence, certes difficile à réaliser
  • Mais l'un et l'autre s'accordent à reconnaître le rôle de l'imagination dans la domination du plus fort



Bibliographie:

- Le Contrat social de J. J; Rousseau, Livre I, chapitre 3 ("Du droit du plus fort"), 1762, collection G/F

- Les Pensées de Pascal, 294, 298, 299, 304, 326, édition Brunschvicg, collection G/F, parues après sa mort en 1670

- Les Trois Discours sur la condition des Grands de Pascal

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Les Rendez-vous de Philopop : Présentation des activités de PHILOPOP et du programme de la saison 2022-2023

La première séance aura lieu le jeudi 22 septembre de 20H30 à 22H30 au lycée Claude Monet du Havre. Outre les séances qu'elle y organise régulièrement, PHILOPOP donne une émission mensuelle (les Rendez vous de Philopop) sur Ouest Track radio.

1- PHILOPOP, une association ouverte à tous

  • Quelques précisions d'ordre pratique  :

Vous trouverez sur le site de PHILOPOP (https://sites.google.com/site/philopoplh/) le barème des cotisations, le calendrier adopté, le rythme des séances (en moyenne 2 fois par mois un mardi ou un jeudi de septembre à début juin hors vacances scolaire), le lieu et l'horaire  (au Lycée Claude Monet du Havre, salle audio, de 20H30 à 22H30)

  • Les questions philosophiques  : des questions que tout homme peut être amené à se poser au cours de son existence (exemples de la vérité, de la justice, de la liberté...)

  • L'ambition de PHILOPOP : permettre à tous ceux qui le souhaitent d'accéder à un questionnement philosophique en offrant les conditions d'un travail suivi



2- La formule d'un cours progressif (suivi d'une discussion)

  • Il ne consiste pas dans un exposé de connaissances et ne présente pas la pensée des philosophes comme une opinion savante

  • Il montre comment l'examen d'une notion (la vérité, la justice, la liberté, la mémoire...) conduit à formuler un ou des problèmes qui s'imposent nécessairement. La lecture des philosophes n'a pas d'autre intérêt que d'éclairer la réflexion, et de l'aider à aborder ces problèmes.



3- Le programme de la saison 2022-2023

  • Les séances sont accompagnées d'un plan et enregistrées. L'enregistrement est accessible aux adhérents

  • Le thème  : Le châtiment

  • L'oeuvre  : L'Evolution créatrice de Henri Bergson, collection Quadrige aux P.U.F

L'émission des Rendez vous de Philopop de ce dimanche 18 septembre (reprise le dimanche 25 septembre) n'a d'autre but que de vous expliquer la démarche de l'association (Philopop, association populaire de philosophie du Havre, créée en 2007) et de vous présenter brièvement le programme de la saison 2022-2023

Les 3 premières séances au lycée Claude Monet: jeudi 22 septembre, jeudi 6 octobre, mardi 18 octobre



Site internet de PHILOPOP: https://sites.google.com/site/philopoplh/

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Les Rendez-vous de Philopop : La civilisation peut-elle lutter contre la guerre?

Réflexion à partir de deux textes de Freud consacrés à la question de la guerre: Propos d'actualité sur la guerre et sur la mort (1915), collection G/F, et Pourquoi la guerre  ?, correspondance Einstein/Freud (1932), collection Rivages poche. La guerre d'Ukraine nous a déjà conduit à réfléchir sur la guerre, à partir de l'oeuvre de Clausewitz, « De la guerre», mais dans une toute autre perspective.

La 1ere guerre mondiale a engendré un profond désarroi : jamais les hommes des nations dites «civilisées», ne pouvaient imaginer au début du XXème siècle qu'ils connaîtraient un tel déchaînement de violence. La cause de ce désarroi, ce sont les «désillusions» concernant le processus de civilisation que Freud se propose de «traiter»

Pourquoi a-t-on eu besoin de croire que la civilisation élève progressivement à la moralité ? En quoi est-ce là une «illusion» que la 1ère guerre mondiale vient «fracasser»?

1- Pourquoi l'idée d'un progrès moral de la civilisation est-elle illusoire ?

a- L'exposé des idéaux de l'homme «civilisé»: le processus de civilisation entraînerait un progrès de la moralité (à tous les niveaux, individus, peuples, Etats), qui rend inconcevable une guerre comme la 1ere guerre mondiale (c'est à dire une guerre qui «interrompt le développement des relations morales entre les peuples et les Etats »)

b- Comment expliquer que cette guerre ait pu engendrer un tel déchaînement de violence?

La guerre pervertit l'Etat. Alors qu'il est censé fonder son existence sur des règles de justice qu'il impose aux hommes placés sous son autorité, il s'en affranchit totalement en temps de guerre («si l'Etat interdit à l'individu l'usage de l'injustice, ce n'est pas parce qu'il veut l'éliminer, mais parce que, au même titre que le sel et le tabac, il veut la monopoliser»). Le cynisme de l'Etat entraîne alors « un relâchement de toutes les relations morales» qui révèle leur grande fragilité.

c- Comment l'homme devient-il capable de moralité ?

L'homme n'est ni bon ni mauvais en soi (sont «mauvaises» les pulsions incompatibles «avec les exigences de la communauté humaine»); l'éducation peut transformer de manière assez limitée ses pulsions mauvaises en pulsions sociales mais ne peut jamais complètement les éradiquer; ainsi, « il y a bien plus d'hypocrites civilisés que d'hommes vraiment civilisés».

Notre désillusion concernant la valeur de la civilisation est-elle vraiment justifiée? «En réalité, les hommes ne sont pas tombés aussi bas que nous le craignions, pour la bonne raison qu'ils ne s'étaient pas élevés aussi haut que nous nous l'étions figuré»

2- Si la guerre s'explique par des pulsions destructrices, est-elle pour autant une fatalité? (Pourquoi la guerre? Correspondance de Freud avec Einstein, 1932)

a- La 1ere partie de la réponse de Freud : une reprise de la réflexion du philosophe Kant sur la guerre et la paix : 1- le droit comme «violence de la communauté»; 2- l'histoire achemine les Etats paradoxalement par le moyen de la guerre, vers la paix perpétuelle; 3- la solution d'une Société des Nations qui aurait le pouvoir d'imposer ses arbitrages aux Etats et de mettre ainsi un terme à la guerre

b- La 2ème partie de la réponse est constituée par l'apport de la psychanalyse à la réflexion :

1- la paix est irréalisable parce que la guerre est l'expression de la vie pulsionnelle des hommes (elle met en œuvre la pulsion de destruction à l'échelle collective, pulsion qui est dérivée de la pulsion de mort );

2- le désir de paix qui s'oppose à cette pulsion, est soutenu par la pulsion de vie (Eros) qui s'exprime par la production de «liens de sentiment » (« Si la propension à la guerre est un produit de la pulsion destructrice, il y a donc lieu de faire appel à l'adversaire de ce penchant, à l'Eros. Tout ce qui engendre, parmi les hommes, des liens de sentiment doit réagir contre la guerre»).

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Les Rendez-vous de Philopop : Devoir d'oubli ou devoir de mémoire ?

Réflexion sur la mémoire collective, principalement à partir de la Conférence d'Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation ? (1882), et du livre de l'historien Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, paru en 1987.

Pour mettre fin à une guerre civile, faut-il prescrire l'oubli des violences et des crimes pour réconcilier les citoyens ennemis et reconstruire l'unité de la Cité ? Ou faut-il au contraire en perpétuer le souvenir afin de prévenir leur répétition ? Devoir d'oubli ou devoir de mémoire ?

La 1ère solution fut longtemps privilégiée : 3 exemples.

Exemple du serment que devaient prononcer les citoyens d'Athènes de ne plus rappeler les violences de la guerre civile qui eut lieu en 404 av J.C. ; exemple de l'édit de tolérance de 1598 exigeant que la mémoire des choses passées (les guerres civiles entre catholiques et protestants) « demeure éteinte et assoupie comme chose non advenue « ; exemple plus récent des lois d'amnistie de 1951 et 1953 concernant les faits de collaboration sous Vichy

Pourquoi l'oubli nous paraît-il aujourd'hui inacceptable ? Pourquoi la mémoire est-elle devenue une obligation ?

1- Pour préserver l'unité et l'identité d'une nation, n'est-il pas nécessaire d'exclure de sa mémoire commune les pages noires de son histoire ? « L'oubli, -je dirai même l'erreur historique- sont un facteur essentiel de la création d'une nation » (Ernest Renan dans Qu'est-ce qu'une nation ? 1882)

2- L'impossible effacement du souvenir d'une guerre civile comme celle qui eut lieu sous Vichy entre 1940 et 1944 (Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, 1987)

  • En quoi la période de Vichy fut-elle « une tragédie d'une exceptionnelle gravité » ?

  • « Le syndrome de Vichy est l'ensemble hétérogène des symptômes, des manifestations (…) qui révèlent l'existence du traumatisme engendré par l'Occupation » (particulièrement celui qui est lié aux divisions opposant les Français).

  • Le projet de l'historien du syndrome de Vichy : étudier les manifestations de la mémoire de Vichy et ses transformations au cours de son devenir depuis 1944, à la manière dont Freud aborde les symptômes d'une névrose (un bref rappel de la leçon de Freud). Le traumatisme ne peut être effacé, mais survit de manière souterraine à travers son refoulement.

3- Les 4 phases de l'histoire de la mémoire de Vichy depuis 1944 :

- de 1944 à 1954, de l'épuration jusqu'aux lois d' amnistie : le « deuil inachevé »

  • de 1954 à 1971, le « refoulement » du traumatisme : le silence officiel sur le régime de Vichy, le « mythe résistancialiste » (l'assimilation de la « Résistance » à l'ensemble de la nation)

  • de 1971 à 1974, le « miroir brisé ». Le « retour du refoulé » (la réémergence dans le débat public du passé de Vichy sur la collaboration et la responsabilité du régime dans la déportation des Juifs dans les camps de la mort)

  • depuis 1974, le réveil de la mémoire juive, la réouverture de procédures judiciaires contre d'anciens nazis et d'anciens collaborateurs ayant échappé pendant des décennies à toute justice, la requalification de leurs crimes en « crimes contre l'humanité » (dont l'imprescriptibilité est reconnue depuis la loi de décembre 1964).

4- La mémoire collective implique un nouveau rapport au passé

- elle est d'abord une exigence de justice à l'égard des victimes des crimes du passé (reconnaissance des torts et réparation)

- elle ne repose plus sur une adhésion irréfléchie à un passé mythifié et une forme d'allégeance mais aborde le passé (ses épisodes conflictuels) comme « un problème à résoudre ». Ce n'est possible que dans une démocratie où les citoyens débattent et construisent l'identité de leur nation.

Bibliographie :

Qu'est-ce qu'une nation ? Ernest Renan, 1882

Le syndrome de Vichy, Henry Rousso, 1987

Face au passé, Henry Rousso